Marie-France HOUDART - La jument décillée
Une photo de classe, ses 23 fillettes et une ardoise : nous sommes dans une école d’Algérie en 1953. Les fillettes sont “indigènes”, sauf une petite blonde, à gauche, l’auteure de ce livre.
Sur la couverture : trois symboles religieux, celui de chacun des monothéismes : juif, chrétien, et musulman. Au centre une chaîne et son pendentif : une “main de Fatma“, symbolisant la femme en Islam, encadrant un sous-titre : Cris féminins et regards lucides sur Dieu Un et les femmes.
Vous avez compris.
Reste le titre. Cette jument était celle de la jeune Germaine Tillion, en mission ethnologique dans les
Aurès, celle qui la menait de lieu en lieu à la découverte de ses habitants et de leurs traditions. Solitaire sur son dos, sans doute l’ethnologue confiait-elle à sa monture, au long des chemins de sable et de pierres, tout le fruit de ses réflexions sur le monde, car l’ethnologie, lui explique-
t-elle, « décille » les yeux, donne de bonnes lunettes pour comprendre les sociétés.
A travers des monologues, voire des cris de femmes, alternant avec des réflexions de fond, où elle donne la parole à de nombreux chercheurs sur : les croyances, l’origine des religions, leur utilisation…, elle a voulu explorer la place à laquelle le Dieu unique des monothéismes a assigné les femmes, et la raison des violences contemporaines qui s’expriment en son nom.
Un livre qui interpelle, questionne et qui, elle l’espère, « décillera les yeux » de ceux qui les avaient encore cousus, comme ceux des faucons de dressage dont on décousait enfin les paupières avant de les lancer vers le ciel.